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Ce qu’il faut retenir
►Les rapports emplois du mois d’août, tant attendus par les marchés, n’ont pas donné de réponse définitive sur l’ampleur du ralentissement du marché du travail américain. Cela laisse ouverte la question de savoir si la Fed va commencer à réduire ses taux la semaine prochaine avec une baisse classique de 25pb, ou une baisse plus agressive de 50pb.
►L’emploi continue de ralentir nettement en tendance, avec 142 000 créations d’emplois en août après seulement 89 000 créations en juillet. Et la hausse du taux de chômage sur les derniers mois est suffisamment importante pour indiquer un risque de récession significatif selon la règle de Sahm. Cela dit, l’emploi reste positif et le taux de chômage reflue légèrement en août de 4,3% à 4,2%. Aussi, les revenus salariaux augmentent nettement en août grâce à la hausse des salaires moyens et des heures travaillées. Au total, cela ne suggère pas, en l’état, qu’un retournement cyclique décisif vers une récession soit enclenché.
►Les derniers chiffres restent cohérents avec notre scénario de ralentissement important de l’économie américaine dans les prochains mois mais avec un risque de récession toujours limité. Avec une inflation qui ralentit mais reste encore au-dessus de la cible, nous anticipons une baisse de 25pb des taux de la Fed lors de ses trois réunions, d’ici la fin de l’année. Mais le discours très accommodant de Powell à Jackson Hole, qui n’a pas été clairement contredit par les autres membres de la Fed, augmente les chances d’une baisse initiale de 50pb.
►Le marché a peu révisé ses anticipations après les chiffres de vendredi et donne une chance sur trois à une baisse de 50pb la semaine prochaine, ce qui apparait raisonnable vu les incertitudes. En revanche, les anticipations du marché pour la suite nous semblent très agressives, avec plus de 100pb de baisse de taux d’ici la fin de l’année et 125pb l’année prochaine. Pour les actifs risqués, des baisses de taux de la Fed sont positives. Toutefois, une baisse trop agressive pourrait être négative car cela suggérerait que la situation économique est plus dégradée qu’anticipé.
►Cette semaine, alors que la Fed est dans sa période de silence, la publication de l’inflation américaine mercredi sera la dernière donnée avant sa prochaine réunion qui pourrait impacter la décision. Mais vu la grande confiance de la Fed dans la désinflation actuellement, il faudrait une grosse surprise pour que cela ait un impact.
►Au-delà, le calendrier macro est assez léger cette semaine, en dehors de la réunion de la BCE jeudi. Il est quasi certain que la BCE baisse ses taux à 3,5%. Mais elle ne s’engagera probablement pas clairement sur la suite, car les prévisions macro ne devraient pas être nettement révisées et les craintes sur la persistance de l’inflation dans les services et les salaires restent importantes.
Pour aller plus loin
L’emploi salarié a augmenté aux Etats-Unis de 142 000 en août, soit un peu moins que les prévisions du consensus (165) mais plus que les deux derniers mois (89 en juillet). C’est un rythme de création d’emploi qui est proche du rythme d’équilibre pour l’économie américaine.
Mais les créations d’emplois continuent d’être révisées à la baisse pour les mois précédents et sont clairement sur une trajectoire baissière. En effet, l’économie américaine n’a créé que 89 000 emplois en juillet, soit son plus bas niveau depuis la reprise post-Covid. Et si les chiffres mensuels peuvent être volatils à cause d’effets météo (comme les ouragans en juillet), la moyenne sur trois mois confirme le ralentissement assez net de l’emploi depuis le printemps. Elle atteint 116 000 en août, son plus bas niveau depuis mi-2020.
Au total, les créations d’emplois ralentissent nettement et elles sont revenues à un niveau cohérent avec la hausse de la population active, signe que le marché du travail se détend, même s’il ne se dégrade pas de façon abrupte.
Le taux de chômage reflue un peu en août et reste à un niveau assez bas, à 4,2%, ce qui est rassurant après sa hausse de 0,2pt à 4,3% en juillet. Cette baisse du taux de chômage est en fait limitée, puisqu’il passe de 2,25 à 4,22%, et provient de la volatilité du chômage partiel, qui avait nettement augmenté en juillet à cause des ouragans, et se normalise en août. Mais il est rassurant de voir que le taux de chômage reste bas grâce à la hausse de l’emploi dans l’enquête auprès des ménages (+168 000 en août), alors que le taux de participation au marché de l’emploi reste stable.
Un autre élément rassurant est la hausse des revenus salariaux en août après leur stagnation en juillet, ce qui est encourageant pour la consommation. Les salaires horaires accélèrent un peu en août, de 3,6% à 3,8%, un niveau qui ne renforce pas les pressions inflationnistes mais soutient le pouvoir d’achat des ménages. Si l’on ajoute l’allongement des heures moyennes travaillées et la hausse de l’emploi, les revenus salariaux augmentent de 0,9% sur le mois en août alors qu’ils avaient stagné en juillet. Si l’inflation publiée demain augmente comme attendue de 0,2% sur le mois d’août, cela impliquerait que le revenu des ménages est dynamique. C’est encourageant pour la consommation, qui reste le principal moteur de la croissance aux Etats-Unis.
Si le taux de chômage reflue un peu en août, le risque de récession n’est pas écarté pour autant. Deux règles empiriques qui ont souvent été un bon indicateur de récession pour les Etats-Unis envoient un message négatif actuellement.
Pour le deuxième mois consécutif, le taux de chômage est en hausse de plus de 0,5pt par rapport à son point bas des douze derniers mois, ce qui est la limite qui, historiquement, à toujours marqué le début d’une récession. C’est la règle empirique trouvée par l’économiste Sahm. Cela fait sens économiquement car l’emploi est la variable la plus importante pour la conjoncture américaine, qui dépend principalement de la consommation. Mais ce niveau de 0,5pt est empirique et beaucoup de relations historiques n’ont pas été respectées depuis le choc du Covid.
Par ailleurs, les taux d’intérêt à 10 ans sont repassés au-dessus des taux 2 ans la semaine dernière après près de deux ans durant lesquels la courbe des taux a été inversée. La désinversion de la courbe a souvent été un indicateur de début de récession, même si les raisons pour lesquelles cela a été le cas sont très débattues.
Nous ne minimisons pas les signes de dégradation de l’économie américaine, dont l’emploi et la courbe des taux sont des variables parmi les plus importantes. Et ces éléments peuvent faire craindre à la Fed qu’elle a maintenu ses taux trop élevés trop longtemps et qu’elle doit donc baisser ses taux de façon agressive pour les ramener rapidement en territoire expansif.
Mais en l’état, nous pensons que ces chiffres vont dans le sens de notre scénario d’un ralentissement net mais pas d’un effondrement de l’économie américaine. Surtout que la consommation reste solide et la confiance des entreprises reste positive. Et que les discours bien plus accommodants de la Fed cet été ont déjà permis un assouplissement net des conditions financières avant même que la Fed ne commence à vraiment baisser ses taux.
Xavier Chapard
Stratégiste