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La hausse des taux d’intérêt a profité aux fonds de dette infrastructure offrant ainsi aux gérants de nombreuses opportunités sur le marché secondaire. Les besoins en transition énergétique et digitale exigent la mobilisation des investisseurs institutionnels et de toutes les sources d’épargne. Pour convaincre, les gérants mettent donc l’accent sur le développement durable, la lutte contre le réchauffement climatique et l’innovation. Bérénice Arbona, responsable de l’équipe dette infrastructure chez LBP AM revient sur la perception et la prise en compte de ces nouveaux enjeux dans ses choix d’investissement.
Le changement de paradigme au niveau des taux d’intérêt n’a pas modifié l’appétit des investisseurs pour les infrastructures. En revanche, s’il est vrai que jusqu’à récemment les fonds infrastructure « equity » ont pu attirer des allocations très conséquentes de la part de ces derniers, on observe désormais une attractivité plus forte de la dette infrastructure. En effet, le rendement de la dette infrastructure se construit à partir du taux d’intérêt plus une marge de crédit. Aujourd’hui avec la hausse des taux d’intérêt, le rendement offert sur de la dette infrastructure correspond à ceux servis il y a un an ou deux par certains fonds en infra equity core. La valeur relative de la sous-classe d’actifs dette dans la classe d’actifs infrastructure est meilleure aujourd’hui. Elle attire de ce fait de nouvelles catégories d’investisseurs. Avec un rendement à 6% sur la dette senior et un rendement compris entre 8 et 10% pour de la dette junior, les family office s’intéressent à la classe d’actifs. Pour rappel, il s’agit d’une classe d’actifs défensive investie dans les actifs réels et qui en plus peut aider à la transition énergétique, avoir une utilité sociale… La conjoncture n’a jamais été si favorable, même si en valeur absolue, le marché devient plus compliqué eu égard à l’effet dénominateur. Les investisseurs institutionnels ont moins d’argent à y consacrer et ont réinvestis dans des actifs liquides sur lesquels les rendements sont redevenus attractifs. Pour attirer les investisseurs institutionnels, il faut continuer à délivrer la promesse d’une prime de complexité et d’une prime d’illiquidité qui est la proposition de valeur sur notre classe d’actifs. Concernant les investissements, nous avons constaté moins d’opérations de refinancements opportunistes, un ralentissement sur les fusions et acquisitions (M&A) et, de manière générale, les opérations prennent plus de temps à sortir en raison de l’adaptation au nouvel environnement économique. En revanche nos portefeuilles de projets restent très sains et le pipeline de nouvelles transactions est nourri.
“Les besoins de financement en infrastructures de transition énergétique en France devraient s’élever à 60 milliards d’euros par an dans les années à venir”
Lors des rencontres InfraWeek qui se sont tenues le 10 octobre, le ministre de l’Industrie a indiqué que les besoins de financement en infrastructures de transition énergétique en France devraient s’élever à 60 milliards d’euros par an dans les années à venir. A mettre en perspective avec les 4 milliards d’euros qui ont été investis en infrastructures bas carbone en 2022. La transition énergétique constitue ainsi un immense défi, une nouvelle révolution industrielle. Les investisseurs sont conscients de ces enjeux et des opportunités qui s’y rattachent, mais pour leur décision d’investissement, ils ont besoin de rendements et d’un historique de performance. Si, en plus de ces deux conditions, un investisseur peut justifier d’un investissement dans des solutions a minima conformes avec l’article 8 du règlement SFDR, voire avec l’article 9, et avoir de l’impact, cela constituera un argument supplémentaire en faveur de cet investissement. Dans ce cadre, la société de gestion doit être crédible en matière d’ESG et avoir la capacité de produire un reporting extra-financier solide. Pour nous, cela passe par des moyens, du traitement de données sur l’ensemble du portefeuille, ainsi que par une analyse extra-financière fouillée intégrant également les externalités négatives, venant s’ajouter aux analyses juridiques et financières classiques.
Nous avons lancé l’an dernier une première unité de comptes en infrastructure qui a rencontré, effectivement, un certain succès auprès du grand public. Il y aura sans doute des prochains millésimes. Cette classe d’actifs est intéressante pour une clientèle de particuliers. Pour les gérants, elle implique au préalable de mettre en place un mécanisme permettant d'assurer la liquidité pour le client final.
Nous sommes dans un moment rare où la réponse financière devance la réponse politique. La taxonomie permet d’orienter les investissements et les financements, mais les investisseurs quels qu’ils soient sentent bien que s’ils veulent que les modèles économiques changent, il faut y mettre les moyens. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme à mener dans un laps de temps très limité.
" C’est par l’innovation que nous pouvons construire de la valeur pour l’investisseur.”
La diversification reste primordiale pour les investisseurs. Pour y parvenir, il faut combiner différents critères géographiques, sectoriels et de profils de risque afin de trouver les opérations présentant le meilleur couple risque / rendement du marché tout en étant en ligne avec les stratégies souscrites par les investisseurs. Nous avons lancé un fonds article 9 à impact qui finance des projets proposant des solutions de décarbonation, d’électrification et d’efficacité énergétique. Plus récemment, nous avons lancé un fonds article 8 à impact de 1 milliard d’euros qui investira aussi bien sur des projets pure players que sur des infrastructures traditionnelles avec un engagement sur une trajectoire de décarbonation C’est également comme cela que nous générons de l’impact.
C’est par l’innovation que nous pouvons construire de la valeur pour l’investisseur. Mais pour parvenir à financer l’innovation, les gestionnaires doivent être bien outillés. Ils doivent analyser en profondeur les complexités techniques, règlementaires et financières liées à cette innovation.
“La sensibilisation des gérants sur les critères extra financiers est essentielle.”
La majorité des fonds d’infrastructure relèvent de l’article 8, mais nous avons tenu à lancer un fonds article 9 à impact. Il correspond au plus haut niveau d’exigence en ligne avec les convictions du groupe et de notre société de gestion. Malgré tout, ce fonds est diversifié : seule une transaction pour l’instant correspond à un projet d’énergie renouvelable, les autres s’inscrivent dans les différents axes de la transition énergétique. Elles relèvent par exemple de l’efficacité énergétique, de l’électrification des usages ou encore de l’économie circulaire. Par ailleurs, la notion d’impact demande de définir des KPI (indicateurs de performance) qui puissent être suivis dans le temps et qui s’appuient donc sur des données fiables, ce qui n’est pas un mince défi. Nous avons ainsi beaucoup travaillé sur les outils nécessaires afin de piloter les KPI d’impact. Dans cette perspective, nous ne pouvons pas nous limiter au déclaratif de nos emprunteurs, nous devons être en mesure de maitriser les KPI sur la base de la data collectée.
Nous constatons en effet que les investisseurs institutionnels mènent des due diligences extra financières de plus en plus poussées, en ligne avec les exigences de la règlementation SFDR. Nous devons démontrer l’outillage des fonds, fournir des exemples de rapport d’impact… Nous considérons dans ce cadre que l’ISR doit vraiment infuser dans toute la société de gestion et ne pas se limiter à un département dédié. Nous avons développé nos propres outils et chaque gérant doit être en mesure de les maitriser car il est le premier filtre dans la sélection et la discussion avec les emprunteurs. La sensibilisation des gérants sur les critères extra financiers est essentielle.
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