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Comme prévu, hier, la BCE a décidé de monter ses taux directeurs de 50 pb. En effet, lors de la conférence de presse suivant la réunion de politique monétaire, Mme Lagarde a commencé son discours en disant que « les projections d’inflation montrent qu’elle va rester trop élevée et pendant trop longtemps ». Néanmoins, en ces temps de tensions financières, la BCE a souligné qu’elle les surveillait très soigneusement afin d’en tenir compte dans l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’économie européenne . En même temps, après le silence des derniers jours, il a été clairement dit que selon la banque centrale, le système bancaire de la Zone-Euro reste résilient, bien capitalisé et avec des liquidités abondantes afin de faire face à des éventuelles difficultés. En outre, la BCE a souligné que les nombreux dispositifs mis en place au cours des années récentes devraient permettre de faire face à des potentielles tensions.
La décision de la BCE s’est appuyée sur les nouvelles projections macroéconomiques de l’institution. Celles-ci montrent que la croissance a bien été plus robuste en fin d’année et donc ont conduit à une révision à la hausse pour 2023, à 1% contre 0,5% en moyenne annuelle lors des projections de décembre. C’est donc cet acquis de croissance de la fin d’année qu’explique en partie cette évolution plus forte. En effet, les projections de croissance pour les deux années suivantes ont été révisée à la baisse.
Concernant l’inflation, celle-ci a été révisée à la baisse si on prend l’indice total pour toute la période de projection. La raison essentielle est la baisse plus forte qu’anticipée des prix de l’énergie, notamment. Toutefois, allant dans les sens du discours de la BCE, sur une inflation plus persistante à un niveau élevé, l’inflation cœur, excluant l’énergie et les aliments, a été révisée à la hausse pour 2023, mais avec une décélération plus forte pour les deux années à venir. Ainsi l’inflation retrouverait un niveau très proche de la cible de la BCE en 2025.
Tab. 1 BCE: Les nouvelles projections économiques reflètent la résilience de la croissance et une inflation énergétique en baisse
Au total la BCE garde donc son cap. Nous continuons de penser qu’un taux directeur terminal de 3,50% reste une cible appropriée. Et que la politique restera restrictive au moins jusqu’au début 2024. Néanmoins, on se doit de rester vigilants devant les « dégâts », que nous anticipions, qui risquent d’être crées par cette hausse rapide des taux d’intérêts que se soit dans l’économe réelle comme sur la sphère financière.
Malgré l’accalmie qui semble s’installer sur les marchés, la volatilité créée par cette semaine de paniques successives sur la sphère financière doit nous inciter à la prudence. Certes, il semble bien que les actions fortes prises par les banques centrales aux Etats-Unis comme en Suisse devraient faire descendre la température pour un temps.
Toutefois, le réveil de la crainte de la possibilité d’un risque systémique pourrait entrainer le maintien d’une volatilité plus élevé pendant un certain temps sur les marchés. Nous le savons, des excès ont eu lieu pendant la très longue période d’abondance de liquidités, même s’ils sont difficiles à bien identifier. Ainsi, même si la volatilité s’apaise par rapport aux mouvements extrêmes que nous avons connu ces derniers jours, notamment sur le segment obligatoire, elle pourrait rester plus forte qu’auparavant.
Fig. 1 Marchés obligataires: La mesure de la volatilité sur les obligations d’Etat américain (Treasuries) au plus haut depuis la crise de 2008-2009
Alors que ces derniers jours, avec raison, presque toute l’attention était portée sur les tensions financières, nous avons continué à avoir des statistiques économiques confirmant la résilience des économies en ce début d’année.
Aux Etats Unis, les ventes au détail pour le mois de février sont ressorties bien plus robustes que prévu, si on prend en compte les catégories les plus pertinentes pour suivre l’évolution de la consommation. En outre, elles ont été révisées assez nettement à la hausse pour le mois de janvier. Au total, le consommateur reste bien le pilier de la croissance.
Nous continuons de penser que la situation de l’emploi devrait commencer à se détériorer dans les trimestres à venir, avec des marges des entreprises sous pression qui demanderont des ajustements des coûts.
En même temps, il est vrai qu’on ne peut qu’être interpellés par la résilience de certains segments de l’économie américaine. Ainsi, alors qu’on a eu jusqu’ici un comportement assez prévisible du secteur de la construction, devant le fort resserrement monétaire, on a pu conster que depuis le début d’année le secteur retrouve un peu de couleurs. Nous expliquons ceci par l’effet un peu retardé de la baisse des taux d’intérêt en début d’année, avec un marché qui anticipait un retournement rapide de la politique monétaire. Toutefois, le léger rebond de la construction pourrait être de courte durée. En effet, après les troubles financiers récents, on peut s’attendre à ce que les banques deviennent plus restrictives dans l’octroi de crédit et que les taux remontent graduellement, effaçant la baisse des taux directeurs qui s’est de nouveau immiscée dans les projections de marché pour cette année.
Fig. 2 Etats-Unis: Le secteur immobilier semble avoir profité de la baisse des taux de début d’année…mais ceci risque de changer
A l’opposé, le message qu’envoie le secteur manufacturier reste plutôt négatif. L’enquête d’activité de la Fed de Philadelphie est restée mal orientée, avec notamment des nouvelles commandes en forte baisse. Il nous faudra attendre l’enquête ISM pour avoir une idée plus claire sur les tendances dans l’ensemble du pays, mais même si l’indice de la Fed de Philadelphie est bien plus volatile, il donne en général une bonne indication de tendance.
Fig. 3 Etats-Unis: Le secteur manufacturier reste faible, comme le montre l’enquête de la Fed de Philadelphie pour le mois de mars.
Néanmoins, nous restons toujours avec une économie américaine qui est soutenue par la consommation, et derrière celle-ci, par la robustesse du marché du travail. Comme nous l’indiquions plus haut nous attendons toujours que le marché du travail, qui est en général en retard dans le cycle, montre des signes de faiblesse dans les trimestres à venir.
Le dernier rapport sur l’emploi a montré la persistance de sa robustesse en février. Mais, en même temps, des signes de tassement de progressions des salaires semblaient apparaître, avec des salaires horaires progressant moins vite. Les dernières statistiques de la Fed d’Atlanta qui donnent un signal plus fiable de l’évolution des salaires, montrent que les salaires continuent à croître à vive allure, même s’ils n’accélèrent pas. Un signe d’accalmie semble tout de même apparaître, en ce sens que les salaires des personnes qui quittent leur travail ne semblent plus bénéficier de hausse de salaire aussi substantielle que lors de l’année précédente. Néanmoins, à 6,1% de progressions en rythme annuel en février, il n’est pas pensable de voir l’inflation reculer rapidement.
Fig. 4 Etats-Unis: Les salaires continuent de progresser à vive allure