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Aux Etats-Unis, les ventes au détail pour le mois de mars ont confirmé une décélération de celles-ci, après le très fort rebond de janvier dernier. En effet, les ventes, hors automobiles et essence, ont reculé de 0,3% sur le mois en termes nominaux, même si un peu moins que prévu. Le groupe dit de contrôle, qui est utilisé come proxy de la consommation totale de biens, a baissé d’une proportion similaire soit autour de -0,5% en termes réels si on utilise comme déflateur l’indice des prix à la consommation pour les biens en mars (+0,2%).
Fig. 1 Etats-Unis: La consommation américaine fléchit en mars après le très fort rebond du début d’année
Malgré cette baisse, la consommation devrait toujours apporter une contribution positive à la croissance du PIB au 1T23. La croissance du PIB au début d’année aura, d’après nous, été bien plus solide que prévue, avec une expansion estimée de près de 2% en termes annualisés. Néanmoins nous continuons à voir une poursuite de la décélération de l’activité au cours du 2T23, et une possible contraction au 3T23 avec des signes de détournement du marché de l’emploi.
Pour l’instant, le marché du travail reste porteur et soutient encore la confiance des consommateurs américains. Ainsi, les résultats préliminaires de l’enquête de l’U. du Michigan pour le mois d’avril révèlent que la confiance s’est un peu reprise, même si elle reste à des niveaux historiquement faibles.
En particulier, l’inflation reste un facteur de préoccupation. Les anticipations d’inflation pour l’année prochaine ont gagné 1 point (4,6% en glissement annuel, contre 3,6% précédemment), sûrement affectées en grande partie par la nouvelle remontée des prix de l’essence. Les anticipations à plus long terme restent, elles, stables à 2,9%.
Fig. 2 Etats-Unis: La confiance des consommateurs se redresse un peu mais reste à des niveaux très faibles
On verra quel impact cette nouvelle « taxe » énergétique aura sur la consommation dans les mois à venir. A priori, elle risque de peser négativement sur la consommation.
Ce qui est certain, c’est que les coupes de production décidées par la Russie (600k barils jours) et surtout les pays de l’Opep (1 million de barils jours) ont cassé la dynamique de baisse du prix du pétrole. L’accélération de l’activité chinoise pourrait aussi peser encore davantage à la hausse sur les prix énergétiques d’ici la fin d’année.
Cette hausse devrait venir amoindrir les effets de base positifs que nous voyions de l’évolution des prix de l’énergie sur les inflations dans la plupart des pays depuis le début d’année. Ainsi, non seulement nous pourrions voir une inflation cœur ne décliner que très graduellement mais aussi une inflation totale qui fléchit moins que ce qui avait été anticipé.
Fig. 3 Pétrole: les prix se sont remis à monter suite aux coupes de production de la Russie et de l’Opep et aux anticipations de reprise de l’économie chinoise
Cette remontée des prix de l’énergie ne devrait pas pousser les banques centrales à sur-réagir. En effet, cette hausse sera vue comme un facteur de ralentissement car pesant directement sur le pouvoir d’achat des ménages.
Néanmoins, elle peut aussi continuer à stimuler l’accroissement des prix dans l’ensemble de l’économie, avec des entreprises qui feraient passer ces hausses des coûts sur leurs prix de vente.
Justement, sur les coûts des entreprises, aux Etats-Unis, la Fed de Dallas a publié les statistiques sur la progression des salaires dans l’économie au mois de mars. Les salaires réaccélèrent en glissement annuel. Ceci est donc en contradiction avec l’évolution des salaires horaires ressortie de l’enquête emploi auprès des entreprises publiée il y un peu plus d’une semaine, et qui montrait une décélération. On sait que la statistique auprès des entreprises souffre de quelques biais, notamment liés aux déformations qui peuvent s’opérer au niveau du marché du travail. Celle de la Fed d’Atlanta est plus fiable.
Fig. 4 Etats-Unis: En mars, les salaires réaccélèrent selon la statistique de la Fed de Dallas.
Sans devoir trop s’inquiéter sur l’évolution des coûts, il est néanmoins certain que pour la Fed les signaux récents sur l’inflation continuent à aller vers le sens du maintien d’une politique restrictive pour encore un certain temps afin de retrouver le niveau d’inflation cible de 2%.
La Fed sait qu’à ce stade préserver cet objectif est vital afin de conserver sa crédibilité et maintenir l’ancrage des anticipations d’inflation. C’est une des raisons principales qui continue à orienter notre prévision d’une politique restrictive jusqu’au mois de début 2024 (soit pas de baisse de taux), à moins évidemment que l’économie américaine subisse un ralentissement bien plus marqué que celui que nous anticipons aujourd’hui.
Le marché obligataire, et les marchés en général, ont du mal à intégrer ce scénario. Il semblerait que la croyance en une Fed qui viendrait au secours des marchés rapidement, s’ils manifestent trop de faiblesse, reste très ancrée. Les mois à venir seront sûrement déterminants sur la façon dont va se résoudre le diagnostic qui semble très différent entre les opérateurs de marché et les banquiers centraux
Entre temps, l‘économie chinoise poursuit sa reprise. Celle-ci semble se diffuser peu à peu à l’ensemble de l’économie. En particulier, il semble bien que le marché immobilier soit en train de se redresser, même si, vu le marasme de l’année passée, la reprise devrait être très lente.
Les prix des nouveaux logements ont de nouveau monté en mars, d’après la statistique sur les prix dans les 70 principales villes du pays. Il se peut que ce ne soit pas la tendance sur l’ensemble du pays, mais cette reprise est néanmoins un élément positif. Les mesures en faveur de promoteurs, notamment pour pouvoir finir les chantiers qui avaient été laissés en suspens semblent donc restaurer un peu la confiance.
Fig. 5 Chine: Le secteur immobilier se reprend très doucement de son marasme, grâce aux mesures en faveur des promoteurs
Le chemin vers le retour d’un secteur immobilier dynamique sera sûrement encore long, mais la reprise de l’activité semble bien là.