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Les dernières semaines les indices américains ont connu un énorme élan, portés par la technologie et notamment thématique de l’intelligence artificielle, mais qui a gagné d’autres segments de marché. La pause attendue de la Fed semble avoir donné un nouvel élan à l’appétit pour le risque. Ceci s’est traduit par une accélération de la montée des actions, qui les a poussés dans un territoire de fragilité, à moins à court terme. En effet, beaucoup de mesures dites techniques, c’est-à-dire qui expriment soit un sentiment de marché trop euphorique, soit un dynamique de hausse trop rapide, incitent à la prudence à très court terme. De fait, un des indicateurs, toujours assez fiable, sur la dynamique de marché, est entré en territoire de surachat sur les principaux indices, notamment le S&P ou le Nasdaq. Une consolidation ou une correction pourrait donc avoir lieu, notamment devant toute statistique qu’irait contre le scénario très idyllique que semble défendre la bourse américaine aujourd’hui. Malgré la hausse des indices européens, qui ont sous performé récemment, des signes euphorie sont bien moins présents.
Fig. 1 Actions américaines : L’indice de tendance sur le S&P500 est entré en territoire de surachat, présageant le besoin d’une consolidation ou correction.
L’inflation américaine pour le mois de mai a confirmé sa tendance à la baisse, avec une inflation totale qui passe à 4% en glissement annuel contre 4,9% le mois précédent. Comme attendu la contribution majeure à la baisse est venue de l’énergie, avec un prix du pétrole qui reste à des niveaux bas, notamment comparé aux prix atteints il y a un an.
En même temps, l’inflation dite cœur, c’est-à-dire en excluant les segments les plus volatils que sont l’énergie et les aliments, est ressortie comme attendu, en décélération à 5,3% en glissement annuel contre 5,5% en avril. Ce rythme bien plus lent de recul, traduit, en particulier, toujours cette décrue très graduelle des prix des loyers qui restent un des contributeurs majeurs à l’inflation, avec un poids dans l’indice de plus de 30%.
De manière plus encourageante l’inflation corrigée des extrêmes, c’est à dire en excluant les biens dont les prix baissent ou montent le plus, qui est produite par la Fed de Cleveland, a montré une assez nette décélération, même s’elle reste à plus de 5,5% en glissement annuel, soit plus de deux fois que la cible d’inflation de la Fed de 2%.
Fig. 2 Etats-Unis : L’inflation décélère notamment sous l’effet de l’énergie, mais l’inflation cœur baisse moins vite du fait des loyers
En fait, la dynamique de court terme de l’inflation sous-jacent a été plus favorable sur les derniers mois, et surtout en mai. Ainsi, quant on regarde la décélération de l’inflation corrigée des valeur extrêmes sur les 3 derniers mois, on constate une très nette décélération comparée à la dynamique qu’on constatait depuis un an.
Fig. 3 Etats-Unis : Une dynamique bien plus favorable sur le mois de mai montrant une des décélération les plus marquées sur l’année écoulée.
Cette statistique doit sûrement rassurer la Fed et donne des arguments pour que la pause attendue dans la campagne de resserrement monétaire ait bien lieu aujourd’hui.
Néanmoins, ceci ne veut pas dire que l’ajustement nécessaire de la demande à l’offre soit déjà en place. En effet, le marché du travail reste très tendu et ceci se traduit par des hausses de salaires qui restent incompatible avec une convergence de l’inflation vers 2%.
La statistique de la Fed d’Atlanta sur la progression des salaires, bien plus fiable que celle qui provient du rapport emploi, montre que si bien la progression des salaires se tasse un petit peu, elle reste à 6% sur l’ensemble du spectre des salaires et pour certaines catégories bien au-delà.
Fig. 4 Etats-Unis : Des salaires qui progressent toujours top vite pour faire converger l’inflation à 2%.
Corroborant cette situation de tensions persistantes sur le marché du travail, l’enquête auprès des petits commerçants (NFIB) pour le mois de mai, montre que les pénuries de main d’œuvre sont toujours très présentes.
Fig. 5 Etats-Unis : l’enquête auprès des petits commerces (NFIB) montre que la pénurie de main d’œuvre persiste.
En outre, même si la confiance des commerçants s’est amélioré, l’inflation reste un sujet important de préoccupation, et surtout les hausses de salaires sont toujours d’actualité.
Fig. 6 Etats-Unis : Les petits commerce voit toujours l’inflation comme un des plus grands problèmes alors que les hausses des salaires continuent
Cette situation devrait pousser la Fed à garder la porte ouverte sur la possibilité de reprendre le resserrement monétaire si la tendance actuelle à la désinflation venait à s’inverser dans les mois à venir. Ainsi, pour nous, même si notre scénario central est que nous sommes au pic des taux directeurs dans ce cycle, les risques restent orientés à la hausse. Tout dépendra de la dynamique de l’emploi et de l’inflation dans les quelques mois à venir.
On a constaté la difficulté de venir à bout de l’inflation avec les changements surprise opérés par les banques centrales du Canada ou d’Australie, qui ont dû remonter de nouveau leurs taux directeurs, en constatant que l’inflation s’avérait plus persistante que prévue. Le Royaume-Uni semble être dans une situation encore plus inconfortable, avec des tensions persistantes, notamment à cause d’un marché du travail qui reste très tendu. En fait, on constate qu’aux facteurs spécifiques liés au cycle particulier que nous connaissons, et qui ont poussé l’inflation à la hausse, s’ajoutent des forces structurelles, en grande partie liées au Brexit.
En effet, les pénuries de main d’œuvre maintiennent le marché du travail très tendu. Ceci se traduit par des hausses des salaires qui restent très fortes et qui se sont mis à réaccélérer sur les derniers mois. Ainsi, dans le dernier rapport emploi on a vu les salaires hebdomadaires horaires progresser à 6,5% en glissement annuel (en lissant sur 3 mois).
Fig. 7 Royaume Uni : Le marché du travail reste très tendu, poussant toujours les salaires à la hausse
Ceci n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour la BoE. Le marché anticipe déjà des hausse supplémentaires des taux directeurs qui pourrait les amener à près de 6% d’ici début 2024. Nous sommes plus conservateurs, mais les risquent existent que la BoE soit contrainte de frapper beaucoup plus fort. En ces sens, le marché obligataire à très fortement souffert, portant les taux longs à de niveau supérieurs de ceux connus lors de la crise associée au programme budgétaire défendu par l’ancienne première ministre Liz Truss. Au total, le taux sur les obligations souveraines britannique à 10 ans a gagné près de 100 pb de base sur les 3 derniers mois.