Immobilier commercial : 2024 comme 2023 ?​​​​​​​

Corporate07.03.2024
Christophe Murciani

2023 a été une année difficile pour l'immobilier commercial en Europe, mais que réserve 2024 ?    Christophe Murciani, responsable de la dette privée immobilière chez LBP AM, apporte son éclairage. 

L’année 2023 a sans doute été vécue comme une véritable annus horribilis pour l’immobilier commercial. L’investissement sur cette classe d’actifs a reculé de 54% en Europe*. Quelques éléments illustrent la faiblesse du marché : on a retiré de la vente davantage d’actifs de bureaux en Ile-de-France (pour 4,2 milliards d’euros) qu’on en a vendus (3,6 milliards d’euros). La tour Accor à Issy-les-Moulineaux compte à elle seule pour 10% du marché - du jamais-vu en 30 ans- et seulement 15 millions d’euros se sont positionnés à La Défense.* 

Marché des bureaux en France : entre surabondance de l'offre et faible demande 

Le taux de vacance du marché francilien de bureaux s’établit à 8,5% en décembre dernier, et on l’attend aux alentours de 9,5% d’ici un ou deux trimestres, soit environ 5 millions de m², un record de deux décennies.* 

Les maux qui frappent le marché pourraient faire croire à une « perma-crise » : Covid, inflation des coûts de construction, rupture des chaînes d’approvisionnement et le fameux essor du télétravail. En réalité, cette sur-offre était embarquée depuis 2015. 

On a commencé alors à construire environ 44 m² de bureaux par emploi tertiaire créé, selon une étude de l’IEIF (Institut de l'Epargne Immobilière et Foncière). Ainsi, seul 1,9 million de m2 ont été placé à la location, 18% en deçà de la moyenne décennale, alors que la capacité des entreprises à payer leur loyer ne s'est pas détériorée et que les défaillances d’entreprise, quoiqu’en hausse, n’ont pas atteint leur pic. Ces mètres carrés placés se sont concentrés dans les marchés établis : Paris intra-muros, La Défense, la Première Couronne Sud, qui sont pour certains en situation de sous-offre, situation qui pousse les loyers à la hausse.  

Le Grand Paris Express déçoit, laissant le marché immobilier francilien en difficulté 

Les espoirs placés dans la réalisation du Grand Paris Express, avec la multiplication attendue des pôles tertiaires, tardent à se matérialiser. On s’attend à ce que le pôle Saint-Ouen/Saint-Denis dispose d’une offre neuve de près de 600 000 m² fin 2024, l’équivalent de 6 années de commercialisation au rythme actuel. En réalité, les entreprises ayant déménagé au cours des 18 derniers mois ont globalement réduit leur surface de 25%, à iso-budget, privilégiant la centralité, la desserte et l’agrément des locaux, pour encourager les collaborateurs à se retrouver en un lieu partagé. 


Défis de durabilité et impacts sur le marché immobilier 

À ces dynamiques d’offre et de demande s’ajoutent les exigences accrues en matière de durabilité. Qu’il s’agisse en France du décret tertiaire, ou à l’échelle européenne de la Directive SFDR pour les produits d’épargne, les professionnels de l’immobilier s’accordent à dire qu’elles interviennent à un mauvais moment, c’est-à-dire dans un contexte d’inflation des coûts, de manque de ressources (à la fois en matières premières et en main d’œuvre) et de recul de la demande. Mais y a-t-il un bon moment pour traiter un écueil aussi critique que le dérèglement des conditions de vie sur terre ? 

Retour des actifs commerciaux et évolutions dans le secteur logistique 

Renaissance des actifs de commerce après cinq ans de sous-performance 

Les actifs de commerce font leur retour en grâce après 5 années de sous-performance. La percée de l’e-commerce depuis la pandémie, les défaillances de nombreuses enseignes de l’habillement, du jouet, voire de la distribution généraliste ont aussi contribué à un désamour pour ces immeubles. Cependant, qu’il s’agisse de la consommation des ménages, ou du climat des affaires (le commerce de détail est optimiste), des signaux pointent une amélioration. Sur les 3 dernières décennies, le pouvoir d’achat a progressé en moyenne de 4% par an. De nombreux ménages n’ont pas ce sentiment hélas, nous évoquerons par exemple le logement plus loin, mais la statistique est têtue. 

Essor de la logistique post-pandémie : impacts sur l'immobilier et nouveaux enjeux en matière de durabilité 

Après 20 années de stagnation des loyers en euros constants, la logistique a vécu un âge d’or depuis la pandémie. Entre le besoin stratégique de raccourcir les chaînes d’approvisionnement et les désirs de réindustrialisation, la demande d’entrepôts est bien soutenue. Les logisticiens recourent à l’automatisation, et réalisent de lourds investissements dans les bâtiments qu’ils louent. Le virage du zéro artificialisation nette (ZAN) soutient la valeur de l’existant et pousse à l’amélioration des performances du parc en durabilité. L’e-commerce contribue à l’émergence de nouveaux formats en logistique du dernier kilomètre et catalyse des élans créatifs : utilisation de parkings souterrains, conversion de friches artisanales, etc. 

Crise du logement en France : une production toujours en retard face à une demande en constante évolution 

Le logement demeure un casse-tête. Du retard s’est accumulé dans la production tandis que la démographie et l’éclatement des foyers ont provoqué une surchauffe de la demande. Le délai de production (acquisition foncière, obtention des autorisations, pré-commercialisation partielle, financement, construction et vente) est pénalisant pour ceux qui ont sécurisé des fonciers avant la remontée des taux. Celle-ci se traduit par une désolvabilisation des ménages acquéreurs et des locataires. Les transactions ont fortement reculé en 2023, d’environ 40%, ce qui pousse les promoteurs à renoncer à certains fonciers, voire à se délester d’activités annexes (réseau d’agences). Pour autant, les prix n’ont pas corrigé, ou si peu. Les vendeurs retardent leur décision et préfèrent attendre pour réaliser une meilleure plus-value. 

*Sources : JLL à fin 2023 

Disclaimer : Les opinions exprimées (i) sont considérées comme fiables par LBP AM et fondées ou justifiées en fonction du contexte économique, financier, boursier et réglementaire et (ii) sont fournies uniquement à titre d’information. 

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