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A l’occasion du Forum « ESG & Impact Investing » organisé par L’Agefi, le 22 juin, Isabelle Luy-Landès, Responsable de la dette corporate chez LBP AM, est intervenue au cours d’une table ronde : « L’ESG dans la dette privée ». Méthode d’analyse extra-financière, importance de l’ESG dans les due diligences, structuration des financements, Isabelle nous livre son analyse.
On observe actuellement une très forte accélération quant à la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sur la classe d’actifs. Ainsi, 46% des transactions intervenues l’an passé en France, étaient assorties de critères extra-financiers selon France Invest.
La prise en compte des critères de durabilité dans l’analyse et la sélection des sociétés que nous accompagnons en dette privée, vise en premier lieu à nous assurer de leur solidité : une faible prise en compte de ces dimensions pouvant constituer un facteur de risque supplémentaire, avec par exemple, un accès plus difficile aux financements et des coûts de financement supérieurs à terme. Les caractéristiques ESG sont donc de plus en plus importantes dans la structuration des prêts, offrant au passage une réelle opportunité d’impact sociétal positif.
Le dialogue et l’engagement sont au cœur de la relation nouée entre le gérant de portefeuille en dette privée et les équipes dirigeantes des entreprises financées. Ce lien doit permettre de négocier avec celles-ci des engagements de progrès en matière de durabilité et d’accompagner l’entreprise dans leur réalisation.
Chez LBP AM, en tant qu’investisseurs dans les ETI /PME sur tout le territoire, nous pouvons jouer un rôle moteur pour les aider à mieux prendre en compte les considérations ESG dans leur modèle d’affaires et à faire évoluer leurs stratégies. C’est d’autant plus un enjeu pour ces petites structures au cœur de l’économie réelle, dans l’ensemble moins matures que les grandes entreprises en termes de durabilité. Elles bénéficient généralement de moins de ressources à y consacrer.
Absolument. Mais au-delà des entrepreneurs, c’est tout l’écosystème qu’il faut animer pour partager cette pratique d’intégration des enjeux ESG dans la dette privée corporate. Chez LBP AM, nous avons mis en place une campagne de sensibilisation des apporteurs d’affaires (conseils en M&A et dettes, banques…), ce qui contribue à élargir les opportunités d’origination. Cette action de sensibilisation fondée sur l’expérience se poursuivra auprès d’autres acteurs afin d’être force de proposition.
En effet. Ces entreprises doivent désormais converger avec les pratiques de gestion et reporting de plus grandes sociétés. Avec l’entrée en vigueur du règlement CSRD et l’élargissement progressif de son champ d’application, le nombre de sociétés européennes concernées par la publication de reportings extra-financiers devrait passer de 12 000 à l’heure actuelle, à 50 000.
Globalement nous constatons que la prise en compte de la dimension ESG est davantage perçue comme une opportunité par les dirigeants d’entreprises : ils ont conscience que cela peut contribuer à l’attractivité de leur société, vis-à-vis de leurs financeurs.
Au stade de la due diligence, les investissements envisagés doivent être compatibles avec la politique des exclusions réglementaires et sectorielles de LBP AM (pétrole et gaz, charbon, tabac, jeux). Ils font ensuite systématiquement l’objet d’une analyse ISR, afin d’apprécier les opportunités et les risques, au même titre que l’analyse de paramètres financiers.
Cette analyse repose sur notre méthodologie propriétaire « GREaT » dont la structure est commune à l’ensemble des gestions de LBP AM. Elle repose sur quatre piliers : la Gouvernance responsable ; la gestion durable des Ressources naturelles et humaines ; la transition économique et Énergétique ; le développement des Territoires, chacun déclinés en critères.
Sur la dette privée corporate, cette méthode est adaptée à chaque secteur d’activité pour mieux rendre compte de la matérialité des risques environnementaux ou sociaux. Cette grille est régulièrement actualisée. Ainsi, ces dernières années, nous avons développé les critères en matière de climat et d’impact sur les territoires. En pratique un questionnaire ESG comprenant 70 questions est envoyé aux entreprises.
Chaque critère se décompose en une série de 4 questions : l’entreprise a-t-elle formalisé une politique pour répondre à l’enjeu en question ? Si oui, quel est le plan d’action ? Quels sont les indicateurs retenus ? Comment la performance relative à cet enjeu a-t-elle évolué (dégradation, stagnation, amélioration) ?
De plus en plus, les entreprises s’appuient sur des audits ESG externes pour remplir ce type de questionnaire, ce qui a un double avantage : la donnée est déjà disponible et elle est fiable puisqu’elle a été certifiée. Une fois ce questionnaire rempli, les équipes de LBP AM échangent avec les équipes dirigeantes pour approfondir leur analyse et compréhension. In fine, l’équipe Solutions ISR de LBP AM établie la note GREaT du dossier (qui va de 1, la meilleure note, à 10, la moins bonne). Le spécialiste de l’équipe dédié aux actifs réels et privés a un avis consultatif, sur toutes les décisions d’investissement de l’équipe de gestion.
Pour les « sustainable linked loans » ou prêts à impact, plusieurs critères de performance en matière de durabilité sont définis pour chaque investissement. Pour chacun des critères, une courbe de progression sur des indicateurs de suivi est définie sur la durée de vie de l’opération de financement. À la clé, un système de bonus (si les courbes sont respectées pour l’ensemble des critères) ou de malus (si la progression n’est pas tenue pour l’un des critères) sur la marge du financement.
Durant la vie du prêt, le suivi des trajectoires de l’entreprise sur ces KPI est réalisé à un rythme annuel, la courbe de progression étant certifiée par des cabinets d’audit. Ce suivi dans le temps a pour but d’encourager les améliorations des entreprises.